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Fabrice SENANEDSCH

Conséquences contentieuses attachées à la nature de RAPO du recours devant la CNAC

Le recours de l'article L.752-17 du Code de Commerce devant la Commission Nationale d'Aménagement Commercial (CNAC) constitue un recours administratif préalable obligatoire (RAPO) que ce soit dans le cas où il concerne l'avis formulé par une Commission Départementale d'Aménagement Commercial (CDAC) dans le cadre de l'instruction d'un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale ou une autorisation de d'exploitation commerciale édictée par cette même Commission. (Conseil d'Etat, 10 mars 2006, SOCIETE LEROY MERLIN – Lebon 2006).


Cette nature de RAPO a d'importantes conséquences en matière de technique contentieuse.


Il résulte à cet égard de l’analyse de la jurisprudence constante et classique du Conseil d’Etat que l’autorité chargée de l’examen d’un recours administratif tel que le recours administratif formé devant la CNAC, dispose, dans un premier temps, d’un pouvoir dérivé de celui du juge de l’excès de pouvoir.

C’est ainsi qu’il est interdit à cette autorité de prendre en compte des éléments de fait ou de droit intervenus postérieurement à la décision dont il est chargé d’assurer le contrôle. Le Conseil d’Etat a en effet pu juger que :

« Si le ministre de l’agriculture a rejeté le 18 février 1964, soit à une date postérieure à l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions régissant les cumuls, le recours hiérarchique formé par le sieur Duflocq contre l’arrêté du préfet de Seine et Marne du 20 juin 1963 (…) il lui appartenait d’apprécier la légalité du dit arrêté au regard des seuls textes en vigueur à la date où il est intervenu.» (CE, 26 février 1969, Sieur Duflocq, Rec p.119) De même concernant cette fois des circonstances de fait, la haute juridiction administrative a estimé que le ministre du Travail, saisi d’un recours hiérarchique à propos d’une décision de refus de licenciement économique prise par le directeur départemental du Travail, « devait se placer à la date de cette décision pour vérifier la réalité du motif économique invoqué ». (CE 11 juin 1982, Compagnie d’entreprises Métalliques et autre, Rec p 218)

Cette décision a d’ailleurs été confirmée de façon particulièrement nette dans une décision du Conseil d’Etat en date du 6 juillet 1990, Mattei et Soc. Edi 7, Rec p 205.

Pour Jean-François BRISSON « cette jurisprudence constitue le prolongement normal de la jurisprudence sur les décisions créatrices de droits. En effet, pour annuler une décision créatrice de droits, l’administration doit s’appuyer sur son illégalité ; or l’illégalité d’un acte administratif ne peut s’apprécier qu’en fonction de la législation et des circonstances de faits existants à la date où l’acte a été édicté. » (Thèse LGDJ « Les recours administratifs en droit public français » p.334)

Une analyse plus poussée de la jurisprudence démontre que la seule exception à ce principe réside dans le cas où l’administration décide finalement de réformer la décision objet du recours administratif.

Dans ce cas, dans la mesure où sa décision se substitue purement et simplement à la décision initiale, l’autorité chargée de l’examen du recours administratif est tenue de prendre en compte les changements de circonstances de fait et de droit intervenues depuis la décision réformée. (Voir par exemple en ce sens CE, section, 1er octobre 1954, Bonnetblanc, Rec p 491 ou encore CE sect. 6 juillet 1990, Clinique les Martinets, Rec p 202)

La jurisprudence administrative est ainsi fondée sur un équilibre subtil qui impose à l’autorité chargée d’examiner le recours administratif de raisonner en deux étapes :

➢Dans une première étape, l’autorité doit apprécier la légalité de la décision attaquée à la lumière des éléments de droit et de fait existant à la date de son édiction.

➢Ce n’est que dans une seconde étape et dans l’unique hypothèse où elle souhaite réformer la décision initiale qu’elle pourra prendre en compte les éléments de fait et de droit intervenus depuis son édiction.

Ces deux étapes correspondent chacune à une fonction différente du recours administratif c'est à dire à la fois un moyen de prévenir l’encombrement des juridictions administratives en substituant au juge de l’excès de pouvoir l’autorité administrative elle-même et seconde chance pour l’administré d’obtenir une décision qui le satisfasse.

Cette jurisprudence est appliquée aux recours administratifs obligatoires qui existaient en droit de l’équipement commercial devenus aujourd’hui le droit de l’aménagement commercial, le Conseil d’Etat n’admettant que la Commission Nationale ne prenne en compte des éléments de fait et de droit postérieurs à la date de saisine de la Commission Départementale que dans l’hypothèse où elle souhaite réformer cette décision :

« qu’eu égard au sous équipement commercial observé dans l'ensemble du département de Lozère par rapport au niveau national, et à la circonstance qu'il n'existait pas, à la date de la décision contestée, d'autre équipement commercial de type maxi-discount alimentaire dans la zone de chalandise, la commission nationale d'équipement commercial, en refusant à la SOCIETE MAVDAL l'autorisation d'extension qu'elle sollicitait, a fait une application inexacte des principes posés par le législateur ; que, dès lors, la société requérante est fondée à demander l'annulation de sa décision du 12 septembre 2006 ; » (CE 21 décembre 2007, société Mavdal, req N° 299476)

De même plus récemment et sous l'empire du droit postérieure à la réforme introduite par le paquet législatif ALUR/PINEL, la juridiction administrative a rappelé que l'intérêt à agir devant la CNAC devait être appréciée au regard des éléments de fait et de droit existants à la date de la décision de la CDAC et non postérieurement (CAA de BORDEAUX, 1ère chambre - formation à 3, 15 novembre 2017, 15BX02194).


Par ailleurs, la nature de RAPO a une autre conséquence importante quant à la portée de la décision de la CNAC.


En effet, comme comme le rappela le président Gevenois dans ses conclusions sous la décision de Section Berjon du 11 juin 1982 (Rec. p. 221, AJDA 1983, p. 42) en matière de RAPO, la décision de l'autorité de recours se substitue entièrement à la décision de l'autorité initiale.


Par ailleurs, cette substitution s'opère avec un effet rétroactif si bien que la jurisprudence considère que lorsque la CDAC délivre une autorisation d'exploitation commerciale remise en cause par la CNAC, cette autorisation est supposé n'avoir jamais existé et n'avoir jamais produit d'effet (voir en ce sens : Cass. com., 19 déc. 2000, n° 98-23.274, Vivier Granville )


Il en résulte que dans le cas des autorisations d'aménagement commercial délivré par la CDAC en l'absence de dépôt d'un permis de construire, il est prudent que la société pétitionnaire attende la fin de l'expiration du délai de recours en CNAC avant de mettre en œuvre son autorisation.



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