L’utilisation par les Communes des ouvrages de génie civil exploité par l’opérateur historique est aujourd’hui un enjeu majeur face au développement des services impliquant le passage de réseaux notamment de fibre optique, sur le domaine public.
L’utilisation de ces ouvrages présente l’avantage de permettre à la Commune d’éviter de procéder à la création de nouveaux ouvrages de génie civil, couteux, pour le simple passage du câblage.
Toutefois, l'opérateur historique considère qu’elle dispose de la possibilité de facturer la Commune pour l’utilisation et l’occupation de ces ouvrages de génie civil.[1]
Les Communes s’interrogent souvent sur le bien fondé de cette prétention juridique et notamment sur la question de savoir si l'opérateur historique est effectivement propriétaire des ouvrages en question et si elle dispose bien de la possibilité de facturer la Commune pour le passage des réseaux.
Après avoir rappelé l’état du droit concernant la propriété des ouvrages de génie civil exploité par l'opérateur historique nous en déduirons toutes les conséquences quant aux marges de manœuvre dont disposent les Commune dans leurs négociations avec celle-ci pour le passage des câbles.
Ainsi, afin de comprendre le régime de la propriété de ces ouvrages de génie civil, il y a tout d’abord lieu de procéder à un rapide historique de la question (I) avant de présenter l’état du droit actuel concernant ce régime (II)
I- Historique de la question de la propriété des ouvrages de l'opérateur historique
Avant le mouvement de dérégulation résultant de l’application du droit communautaire tant originaire que dérivé, les biens exploités pour les besoins du service public des postes et des télécommunications étaient la propriété inaliénable de l’Etat et faisait partie de son domaine public.
Par la suite, la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications transféra gratuitement en pleine propriété à l'opérateur historique, érigé en personne publique spéciale, l'ensemble des biens immobiliers du domaine public de l'État attachés aux services relevant de la direction générale des télécommunications.
L'article 23 ajoutait que l'opérateur historique disposait d'un domaine public dont le régime était fixé par son cahier des charges « dans le respect des principes généraux de la domanialité publique ».
Dans un deuxième temps la loi n° 96-660 du 26 juillet 1996 a transformé FRANCE TELECOM en une “entreprise nationale”, société soumise par principe aux dispositions applicables aux sociétés anonymes, donc personne privée.
La loi en a néanmoins prévu un mécanisme de déclassement-transfert exprès à titre gratuit à compter du 31 décembre 1996, le principe d'inaliénabilité s'opposant à ce que des dépendances domaniales soient aliénées sans être au préalable déclassées (Cons. const., 18 sept. 1986, déc. n° 86-217 DC, § 88 : Rec. Cons. const. 1986, p. 141 ; AJDA 1987, p. 102, note P. Wachsmann).
Dans un troisième temps la loi n° 2003-1365 du 31 décembre 2003 relative aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom (Journal Officiel 1er Janvier 2004) a supprimé le “service public national” – au sens du préambule de la Constitution de 1946 – des télécommunications, en conséquence des directives n° 2002/22/ CE du 7 mars 2002 concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive "service universel") et de la directive n° 2002/77/CE du 16 septembre 2002 relative à la concurrence dans les marchés des réseaux et des services de communications électroniques, en mettant fin à la désignation de FRANCE TELECOM comme étant l'opérateur public chargé du service universel.
Des appels à candidatures seront désormais organisés pour désigner le ou les opérateurs chargés des divers aspects du service universel.[2]
Dés lors, aujourd’hui faute pour France Télécom d'être une personne publique, ses biens ne bénéficient plus du principe d'insaisissabilité des biens des personnes publiques.
Ainsi le Conseil d'État considère que, quelles que soient les dates auxquelles ils ont été entrepris et achevés, les ouvrages immobiliers de France Télécom ne présentent plus depuis le 31 décembre 1996 le caractère d'ouvrages publics (CE, avis, 11 juill. 2001, Adélée : Juris-Data n° 2001-062747 ; AJDA 2002, p. 266, note J. Dufau ; Mon. TP 26 oct. 2001, p. 164, obs. G. Le Chatelier ; Dr. adm. 2002, comm. 36, note C. Lavialle).
Les biens de l'opérateur historiquene bénéficient donc plus, en principe, d’un régime de protection dérogatoire du droit commun.
Cependant, le Code des postes et des communications électroniques prévoit plusieurs disposition de nature à permettre une protection de l’activité des opérateurs de télécommunications et notamment de ceux chargés d’une ou plusieurs missions de service universel.
II- Régime actuel de la propriété des ouvrages de génie civil exploités par l'opérateur historique
Le régime de la propriété des ouvrages de génie civil exploités par l'opérateur historique n’apparait faire l’objet de disposition spécifique figurant dans le Code des postes et des communications électroniques.
Ce régime juridique découle en réalité de l’application du droit commun de la propriété.
Ainsi dés lors que l’Etat a transféré en pleine propriété son patrimoine affecté aux réseaux de télécommunication à l’entreprise FRANCE TELECOM en 1990 et que ni la loi de 1996 ni celle de 2003 n’ont remis en cause ce transfert, il apparait que la majeure partie des ouvrages de génie civil affecté à l’accueil de ces réseaux sont aujourd’hui la propriété de cette société.
Toutefois, contrairement à ce qui existait pour l’exploitation des réseaux eux-mêmes, il n’existait aucun monopole de droit ou de fait de cette société sur les ouvrages de génie civil nécessaire à leur passage, ni même aucune présomption de propriété.
Dès lors la plupart des ouvrages de génie civil réalisés notamment après 1990, sur le territoire des collectivités territoriales ne faisaient pas l’objet du transfert émanant de l’Etat.
Il faut ainsi à l’égard de ces ouvrages distinguer deux situations :
- Le cas où les ouvrages ont été réalisés sous maîtrise d’ouvrage des collectivités territoriales et/ou de leur concessionnaire (A)
- Le cas dans lequel les ouvrages en question ont été réalisés par FRANCE TELECOM, sous sa maîtrise d’ouvrage, notamment sur le fondement d’une permission de voirie délivrée par une collectivité territoriale (B)
A- Le cas des ouvrages réalisés sous maîtrise d’ouvrage des collectivités territoriales ou de celle de leur concessionnaire
Dans les zones urbaines notamment édifiées après 1990 sous la maîtrise d’ouvrage des collectivités territoriales et de leur concessionnaire dans les zones d’aménagement concertées, l'opérateur historique n’est pas le propriétaire des réseaux et ce nonobstant la circonstance qu’elle serait exploitante du réseau et/ou titulaire d’une permission de voirie.
C’est ainsi que la Cour Administrative d’Appel de Bordeaux a jugé que :
« • Considérant que la commune de Toulouse a, dans le cadre de diverses conventions de concession, confié à la société d'économie mixte dénommée société d'équipement de Toulouse Midi-Pyrénées, la réalisation des travaux d'aménagement de plusieurs zones d'aménagement concerté ; que les cahiers des charges de ces concessions prévoyaient que « les ouvrages réalisés en application du présent cahier des charges, et notamment les voiries et réseaux constituent des biens de retour qui appartiennent au concédant dès leur réalisation et qui lui reviennent gratuitement et automatiquement dès leur achèvement () Les collectivités publiques autres que le concédant et les concessionnaires de service public intéressés par les ouvrages réalisés seront invités aux opérations de remise et le concédant propriétaire de ces biens de retour leur remettra les ouvrages en présence du concessionnaire. Le concessionnaire a l'obligation de préparer et présenter à la signature du concédant ou le cas échéant des personnes autres intéressées, un acte authentique constatant le transfert de propriété notamment des voies () » ;
• Considérant qu'en application de ces stipulations, les ouvrages, tels que les chambres d'accès, les gaines et les canalisations destinées à accueillir les réseaux de télécommunication, réalisés dans le cadre de ces opérations d'aménagement, constituaient des biens de retour dont la commune de Toulouse, qui en a assuré la maîtrise d'ouvrage et ne peut être regardée comme ayant agit pour le compte de l'État ou de France Télécom, était propriétaire dès leur réalisation ; que les circonstances que ces ouvrages ont été réalisés avec la participation technique des services de France Télécom et lui ont été remis après leur achèvement pour leur exploitation et que ladite société a assuré leur entretien ne sauraient avoir pour effet d'emporter un transfert des droits de propriété sur lesdits ouvrages ; que France Télécom ne peut utilement invoquer les dispositions du Code des postes et télécommunications, applicables lors des opérations d'aménagement en cause, en vertu desquels les réseaux de télécommunication ouverts au public ne pouvaient être établis que par l'exploitant public, dès lors que le monopole ainsi institué ne concernait que les installations de télécommunication elles-mêmes et non les infrastructures destinées à les accueillir, lesquelles ne constituent pas des réseaux de communication au sens des dispositions dudit code ; que France Télécom ne peut davantage utilement invoquer les dispositions de l'article R. 311-11 du Code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable aux opérations en cause, aux termes desquels « lorsque le programme des équipements publics comporte des équipements dont la maîtrise d'ouvrage et le financement incombent normalement à d'autres collectivités ou établissements publics, le dossier doit comprendre les pièces faisant état de l'accord de ces personnes publiques sur le principe de la réalisation de ces équipements, les modalités de leur incorporation dans leur patrimoine et, le cas échéant, sur leur participation au financement », dès lors que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la réalisation des infrastructures dont s'agit n'incombait pas normalement à France Télécom et que les cahiers des charges des concessions susmentionnés ne prévoyaient pas leur incorporation dans le patrimoine de l'État ou de France Télécom ;(…)
• Considérant qu'aux termes de l'article L. 47 du Code des postes et des communications électroniques, dans sa rédaction applicable à la date de la délibération litigieuse : « L'occupation du domaine routier fait l'objet d'une permission de voirie, délivrée par l'autorité compétente, suivant la nature de la voie empruntée, dans les conditions fixées par le code de la voirie routière. La permission peut préciser les prescriptions d'implantation et d'exploitation nécessaires à la circulation publique et à la conservation de la voirie. L'autorité mentionnée à l'alinéa précédent doit prendre toutes dispositions utiles pour permettre l'accomplissement de l'obligation d'assurer le service universel des télécommunications. Elle ne peut faire obstacle au droit de passage des opérateurs autorisés qu'en vue d'assurer, dans les limites de ses compétences, le respect des exigences essentielles. Lorsqu'il est constaté que le droit de passage de l'opérateur peut être assuré, dans des conditions équivalentes à celles qui résulteraient d'une occupation autorisée, par l'utilisation des installations existantes d'un autre occupant du domaine public et que cette utilisation ne compromettrait pas la mission propre de service public de cet occupant, l'autorité mentionnée au premier alinéa peut inviter les deux parties à se rapprocher pour convenir des conditions techniques et financières d'une utilisation partagée des installations en cause. Dans ce cas, et sauf accord contraire, le propriétaire des installations accueillant l'opérateur autorisé assume, dans la limite du contrat conclu entre les parties, l'entretien des infrastructures et des équipements qui empruntent ses installations et qui sont placés sous sa responsabilité, moyennant paiement d'une contribution négociée avec l'opérateur. En cas de litige entre opérateurs, l'Autorité de régulation des télécommunications peut être saisie, dans les conditions fixées à l'article L. 36-8. La permission de voirie ne peut contenir des dispositions relatives aux conditions commerciales de l'exploitation. Elle donne lieu à versement de redevances dues à la collectivité publique concernée pour l'occupation de son domaine public dans le respect du principe d'égalité entre tous les opérateurs. Un décret en Conseil d'État détermine les modalités d'application du présent article et notamment le montant maximum de la redevance mentionnée à l'alinéa ci-dessus » ; que ces dispositions ont pour objet de déterminer les conditions dans lesquelles les opérateurs peuvent obtenir des permissions de voirie pour permettre l'établissement de leurs réseaux de télécommunications ; qu'elles ne font pas obstacle à ce qu'une collectivité institue une redevance pour l'utilisation, par l'ensemble des opérateurs qui en font la demande, des installations déjà existantes dont elle est propriétaire et qui ne sont pas soumises à la redevance pour permission de voirie visée à l'article L. 47 (CAA Bordeaux, 9 mars 2006, n° 02BX02121, Cne Toulouse Contrats et Marchés publics n° 6, Juin 2006, comm. 186 Propriété des ouvrages d'infrastructures dans les ZAC)
Dans le même sens, le Tribunal Administratif de Caen a jugé que :
« Considérant, d’une part, que la SOCIETE FRANCE TELECOM ne conteste pas que, dans les zones d’aménagement concerté Folie Couvrechef, Decaen, Beaulieu et Gardin dont l’aménagement a été conduit par la ville de Caen, celle-ci a assuré la maîtrise d’ouvrage des travaux de réalisation des infrastructures en cause dont elle est ainsi devenue propriétaire ; que les circonstances que ces ouvrages ont été réalisés avec des concours techniques de l’administration des télécommunications ou des services de France Télécom et leur ont été remis après leur achèvement pour leur exploitation et que l’Etat, France Télécom puis la SOCIETE FRANCE TELECOM ont assuré leur entretien et leur gestion ne sauraient avoir pour effet d’emporter un transfert des droits de propriété sur lesdits ouvrages ; que la SOCIETE FRANCE TELECOM ne peut utilement invoquer les dispositions du code des postes et télécommunications, applicables lors des opérations d’aménagement en cause, en vertu desquels les réseaux de télécommunication ouverts au public ne pouvaient être établis que par l’exploitant public, dès lors que le monopole ainsi institué ne concernait que les installations de télécommunication elles-mêmes et non les infrastructures destinées à les accueillir, lesquelles ne constituent pas des réseaux de communication au sens des dispositions dudit code, et qu’en tout état de cause, une atteinte à ce monopole n’aurait pu par elle-même priver la ville de Caen de son droit de propriété ; que la requérante ne peut davantage utilement invoquer les dispositions de l’article R. 311-11 du code de l’urbanisme, aux termes desquels, dans sa rédaction issue du décret n° 86-517 du 14 mars 1986 « lorsque le programme des équipements publics comporte des équipements dont la maîtrise d’ouvrage et le financement incombent normalement à d’autres collectivités ou établissements publics, le dossier doit comprendre les pièces faisant état de l’accord de ces personnes publiques sur le principe de la réalisation de ces équipements, les modalités de leur incorporation dans leur patrimoine et, le cas échéant, sur leur participation au financement », dès lors que, ainsi qu’il a été dit cidessus, la réalisation des infrastructures dont s’agit n’incombait pas normalement à l’Etat ou à France Télécom et qu’aucun acte pris pour leur application n’a prévu leur incorporation dans le patrimoine de l’Etat ou de France Télécom ; que la circonstance que lesdites infrastructures aient pu être regardées par la collectivité elle-même, qui a recouvré des redevances d’occupation du domaine public dans lequel ces infrastructures sont incorporées et qui a admis en devoir la restitution, comme faisant partie du patrimoine transmis à la SOCIETE FRANCE TELECOM est sans incidence sur la propriété de ces ouvrages ; que, par suite, en ce qui concerne les quatre zones d’aménagement concerté réalisées en régie par la ville de Caen, le moyen doit être écarté ; » (TA CAEN, 16 mai 2012, SOCIETE FRANCE TELECOM, req N° 1002555[3])
Il résulte clairement de cette jurisprudence que les ouvrages de génie civil affectés au passage des réseaux de télécommunication, réalisés par les collectivités territoriales ou leurs concessionnaires sous leur propre maîtrise d’ouvrage, leur appartiennent en pleine propriété en application des principes généraux du droit de la propriété figurant dans le Code Civil.
Ni la circonstance que la société FRANCE TELECOM était titulaire du monopole de l’utilisation desdits réseaux ni celle que cette société a participé à la réalisation de ces ouvrages sous la forme d’un marché public de travaux, n’est de nature à permettre de priver les collectivités territoriales de la propriété de ces ouvrages.
Par analogie, à notre sens, lorsque les ouvrages de génie civil en question ont été réalisés sous la maîtrise d’ouvrage d’un lotisseur et que ceux-ci ont été transférés dans le domaine public de la Commune par application des stipulations du cahier des charges de cession des lots, ladite Commune doit être considérée comme seule propriétaire desdits ouvrages, nonobstant la circonstance qu’à l’époque de leur édification la société FRANCE TELECOM était titulaire d’un monopole sur l’exploitation des réseaux de télécommunication.
A ce titre et en vertu des dispositions du Code Général de la Propriété des Personnes Publiques, les collectivités territoriales disposent de la possibilité d’instaurer une redevance d’occupation pour l’utilisation, par les sociétés de télécommunications, des ouvrages de génie civil leur appartenant.
Il s’agit d’ailleurs d’une obligation s’agissant des ouvrages constituant des éléments de leur domaine public.
B- Hypothèse de la réalisation des ouvrages sous maîtrise d’ouvrage de l'opérateur historique
En application des principes généraux de la propriété tels qu’ils figurent dans le Code Civil, lorsque la société FRANCE TELECOM a réalisé des ouvrages de génie civil sous sa propre maîtrise d’ouvrage et en son nom propre, sur le territoire d’une Commune ; lesdits ouvrages sont réputés lui appartenir dès leur édification.
Tel est notamment le cas lorsque cette société a procédé à la réalisation de ces travaux sur le fondement d’une permission de voirie édictée par la personne publique gestionnaire du domaine.
Il faut à cet égard rappeler, en effet, que l’article L.45-9 du Code des postes et télécommunications dispose que :
« Les exploitants de réseaux ouverts au public bénéficient d'un droit de passage, sur le domaine public routier et dans les réseaux publics relevant du domaine public routier et non routier, à l'exception des réseaux et infrastructures de communications électroniques, et de servitudes sur les propriétés privées mentionnées à l'article L. 48, dans les conditions indiquées ci-après.
Les autorités concessionnaires ou gestionnaires du domaine public non routier peuvent autoriser les exploitants de réseaux ouverts au public à occuper ce domaine, dans les conditions indiquées ci-après.
L'occupation du domaine public routier ou non routier peut donner lieu au versement de redevances aux conditions prévues aux articles L. 46 et L. 47.
Le prix facturé pour l'occupation ou la vente de tout ou partie de fourreaux reflète les coûts de construction et d'entretien de ceux-ci.
L'installation des infrastructures et des équipements doit être réalisée dans le respect de l'environnement et de la qualité esthétique des lieux, et dans les conditions les moins dommageables pour les propriétés privées et le domaine public. »
L’article L.47-1 du même Code disposant pour sa part que :
« L'autorisation d'occuper les réseaux publics visés à l'article L. 45-9 et appartenant au domaine public routier ou non routier est refusée lorsque l'occupation est incompatible avec l'affectation desdits réseaux ou avec les capacités disponibles.
Est seule incompatible avec l'affectation du réseau public l'occupation qui en empêche le fonctionnement, qui ne permet pas sa remise en état ou qui n'est pas réversible.
Le droit de passage dans les réseaux publics visés à l'article L. 45-9 et relevant du domaine public routier ou non routier s'exerce dans le cadre d'une convention et dans les conditions du cinquième alinéa de l'article L. 47.
La convention d'occupation du réseau public ne peut contenir des dispositions relatives aux conditions commerciales de l'exploitation. Elle donne lieu à versement de redevances dues à l'autorité concessionnaire ou gestionnaire du domaine public concerné, dans le respect du principe d'égalité entre tous les opérateurs. Le montant maximum de la redevance applicable est respectivement fixé dans le respect des articles L. 46 et L. 47, selon que le réseau public relève du domaine public non routier ou du domaine public routier.
Lorsque l'autorisation d'occuper le réseau public est consentie par l'autorité visée à l'alinéa précédent, la convention afférente est établie dans un délai de deux mois à compter de ladite autorisation.
L'autorité compétente se prononce dans un délai de deux mois suivant la demande. »
La Cour Administrative d’Appel de MARSEILLE a jugé à cet égard qu’une permission de voirie qui prévoyait que les ouvrages de génie civil réalisés par la société FRANCE TELECOM devaient devenir, dès leur réalisation, la propriété de la collectivité gestionnaire du domaine n’était pas légale.
La Cour a ainsi considéré que cette société devait être considérée comme propriétaire de ces ouvrages pendant toute la durée de la permission de voirie :
« Considérant qu'en vertu des articles L. 45-1, L. 46 et L. 47 du code des postes et des communications électroniques, le droit de passage sur le domaine public routier des exploitants de réseaux ouverts au public leur permet d'implanter les ouvrages nécessaires au fonctionnement du service universel des communications électroniques, dans la mesure où cette occupation n'est pas incompatible avec l'affectation du domaine public ; qu'il résulte de ces dispositions que les exploitants restent propriétaires des ouvrages qu'ils ont construits pendant toute la période pendant laquelle ils sont titulaires d'une permission de voirie ; que ni le droit d'accession, ni aucun texte ou principe régissant la domanialité publique, n'autorise le département du Gard, dès lors qu'il n'a pas la charge du service universel des communications électroniques auquel le domaine public routier est étranger, à incorporer dans son domaine public dès leur achèvement les ouvrages de génie civil construits par la SOCIETE FRANCE TELECOM, sans attendre l'expiration de l'autorisation délivrée celle-ci ; que, par suite, les dispositions correspondantes de l'article 14 de la permission de voirie ainsi que, par voie de conséquence, celles prévoyant la substitution de plein droit du département à l'exploitant en cas d'utilisation des ouvrages par un deuxième opérateur sont entachées d'illégalité ; » ( CAA Marseille 16 octobre 2012, SOCIETE FRANCE TELECOM req 10MA03273)
De plus, lorsque cette société dispose de la propriété des ouvrages, elle dispose, sauf convention contraire, de la possibilité de facturer les collectivités qui souhaitent les utiliser pour satisfaire leur besoin de service public selon un barème purement commercial.
Même s’il n’existe pas, à notre connaissance, de jurisprudence sur ce point, il apparaît légitime que la société FRANCE TELECOM face application des principes figurant dans la décision de l’ARCEP n° 2010-1211 du 9 novembre 2010 - définissant les conditions économiques de l'accès aux infrastructures de génie civil de boucle locale en conduite de France Télécom - à l’égard des personnes souhaitant utiliser ces ouvrages pour les besoins d’un service public différent du service des télécommunications et notamment pour la réalisation d’un réseau de vidéosurveillance.
Dans ces conditions le barème proposé par FRANCE TELECOM pour l’occupation de ces ouvrages de génie civil devra être orienté vers ces coûts et ne pas présenter de caractère prohibitif.
En conclusion :
Il n’est pas possible de déterminer, a priori et de manière empirique à qui appartiennent les ouvrages de génie civil accueillant les réseaux de télécommunications exploités par FRANCE TELECOM et par les autres opérateurs sur le territoire communal.
Il faut à cet égard distinguer les cas suivants :
- L’hypothèse des ouvrages réalisés sous la maîtrise d’ouvrage de l’Etat avant 1990 et qui ont été transférés en pleine propriété à la société FRANCE TELECOM par l’effet de la loi.
- L’hypothèse des ouvrages réalisés sous la maîtrise d’ouvrage de FRANCE TELECOM notamment sur le fondement d’une permission de voirie délivré par le gestionnaire du domaine public du dessus et qui appartiennent à cette société en pleine propriété, pendant la durée de son titre.
- L’hypothèse des ouvrages réalisés sous la maîtrise d’ouvrage de la Commune ou de son concessionnaire dans le cadre des Zones d’Aménagement Concerté (ZAC) ou d’un lotisseur lorsque ceux-ci font partie des ouvrages remis à la collectivité après l’achèvement des travaux.
Dans ce cas, les ouvrages de génie civil doivent être considérés comme constituant la propriété de la Commune et lorsqu’ils sont affectés au service universel des télécommunications comme un élément de son domaine public.
n Les ouvrages réalisés sous maîtrise d’ouvrage de tiers et notamment d’autres collectivités territoriales (notamment le Département) qui leur appartiennent et avec lesquels la Commune peut contracter pour négocier une convention d’occupation du domaine public.
Il apparaît donc important de dresser un panorama du régime juridique des différents ouvrages de génie civil nécessaires au passage des câbles afin de déterminer, au cas par cas, qui en est le propriétaire.
Une fois ce panorama réalisé, il sera nécessaire de réaliser un tracé du passage des câbles de vidéosurveillance empruntant le moins possible d’ouvrages appartenant à l'opérateur historique et le plus possible d’ouvrages appartenant à la Commune ou à d’autres collectivités.
Il sera ensuite nécessaire de tenter de négocier avec l'opérateur historique un passage au sein de ses conduites de la boucle locale au meilleur tarif en invoquant la décision de l’ARCEP n° 2010-1211 du 9 novembre 2010, même s’il n’existe pas d’élément nous permettant d’être certain qu’elle pourra être transposée à l’accueil des câbles de vidéosurveillance.
La Commune pourrait également rappeler à l'opérateur historique qu’elle dispose désormais, en vertu L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT), de la possibilité de créer sa propre infrastructure de réseau optique qu’elle pourrait utiliser pour faciliter l’accès d’opérateurs de téléphonie tiers, dans l’hypothèse où les tarifs d’accès aux ouvrages de l’opérateur historique étaient prohibitifs.
[1] Le génie civil concerné par la présente consultation porte essentiellement sur ce que l’ARCEP défini comme le « génie civil de boucle locale en conduite » c'est-à-dire l’ensemble des conduites nécessaires au passage des réseaux formant la boucle locale.
[2] (voir sur ce point la contribution des opérateurs privés au service universel – par Fabrice SENANEDSCH mémoire déposé à la bibliothèque de droit Cujas)
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