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Fabrice SENANEDSCH

Précisions sur le critère alternatif de l'opération d'aménagement foncier de la définition de l'ensemble commercial


La notion d'ensemble commercial figurant à l'article L.752-3 du Code de Commerce est au coeur du droit de l'aménagement commercial.


Elle suppose en effet que la surface de vente de tous les magasins de commerce de détail situés en son sein soit ajoutée pour le calcul du seuil permettant de les soumettre à autorisation d’exploitation commerciale préalable ; mais également pour l’appréciation de leur effets cumulés sur les critères de l’article L.752-6 du Code de Commerce.

Toutefois l’application des critères de l’ensemble commercial reste toujours sujette à interprétation.

L’arrêt rendu par la Cour Administrative d’Appel de Toulouse le 1er février 2024 permet une clarification du critère alternatif relatif à « la conception dans le cadre d’une même opération d’aménagement foncier » et par voie de conséquence une extension notable du champ de l’ensemble commercial.

 

I-                   Rappel législatif


Avant de présenter l’apport de l’arrêt, il faut rappeler que selon l’article L.752-3 du Code de Commerce.

« I. - Sont regardés comme faisant partie d'un même ensemble commercial, qu'ils soient ou non situés dans des bâtiments distincts et qu'une même personne en soit ou non le propriétaire ou l'exploitant, les magasins qui sont réunis sur un même site et qui :

 Soit ont été conçus dans le cadre d'une même opération d'aménagement foncier, que celle-ci soit réalisée en une ou en plusieurs tranches ;

2° Soit bénéficient d'aménagements conçus pour permettre à une même clientèle l'accès des divers établissements ;

 Soit font l'objet d'une gestion commune de certains éléments de leur exploitation, notamment par la création de services collectifs ou l'utilisation habituelle de pratiques et de publicités commerciales communes ;

 Soit sont réunis par une structure juridique commune, contrôlée directement ou indirectement par au moins un associé, exerçant sur elle une influence au sens de l'article L. 233-16 ou ayant un dirigeant de droit ou de fait commun.

II. - Toutefois, les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux zones d'aménagement concerté créées dans un centre urbain, en vertu de l'article L. 311-1 du code de l'urbanisme. »

 

Il résulte de ce texte que dès lors qu’un projet respecte le critère du site unique et l’un des trois autres critères alternatifs à savoir l’opération d’aménagement, les équipements communs, les pratiques commerciales communes ou les liens capitalistiques communs, alors le projet entre dans le champ du droit de l’aménagement commercial et la surface de vente de tous les magasins de l’ensemble doivent être pris en compte pour le calcul du dépassement du seuil des 1.000 m².


1-      S’agissant du critère obligatoire du site unique

 

Ce critère obligatoire est déterminant.


Si un projet n’est pas situé sur le même site qu’un magasin existant, il ne constituera pas une extension d’un ensemble commercial même si les autres critères alternatifs sont réunis.


Il faut à ce titre noter que le Conseil d’Etat considère que deux magasins situés de part et d’autre d’une voie publique de 7 mètres sont situés sur un même site au sens de cet article (voir en sens CE 3 octobre 2003, Norminter, req N° 248499).


La jurisprudence des Cours Administratives d’Appel considère que tel en est de même pour des magasins « immédiatement voisins » (voir en ce sens CAA Lyon 19 décembre 1995 req n° 93LY01899 CAA Marseille, 5e chambre, 30 Novembre 2020 req n° 18MA04703)

 

2-      S’agissant du critère alternatif de l’opération d’aménagement

 

Tous les projets de commerce situés au sein de la même opération d’aménagement doivent être considérés comme constituant un ensemble commercial unique.


Cependant, le texte ne précise pas ce que recouvre cette notion.


Il faut se reporter à l’appréciation de la notion en droit de l’urbanisme.


A ce titre, il faut rappeler que la notion d’opération d’aménagement est classiquement définie par la jurisprudence comme une action concernant la réalisation de travaux d’aménagement à l’initiative d’une personne publique et portant sur un secteur suffisamment large et global de la Commune concernée. (Conclusions de Serge Lasvignes à propos de la définition d'une ZAC, CE, 28 juillet 1993, Commune Chamonix Mont Blanc, req. n° 043818).


Le Conseil d’Etat applique cette jurisprudence de manière habituelle et a pu qualifier par exemple une opération de constructions de 40 logements d’opération d’aménagement alors même que le projet n’était pas situé dans un lotissement ou une ZAC (Conseil d'État, 1ère / 6ème SSR, 02/11/2015, 374957)


Récemment la Cour Administrative d’Appel de Bordeaux a rappelé que des lotissements d’initiative communal concernant une partie du territoire communal est susceptible de constituer une opération d’aménagement. (CAA Bordeaux, 28 septembre 2022, req. n°20BX01551)


Ainsi, les projets initiés par une personne publique et permettant un aménagement d’une partie d’une Commune dans le but de réaliser l’une des actions de l’article L.300-1 du Code de l’Urbanisme répondent à cette définition.


Or jusqu’à présent, les exemples jurisprudentiels de l’application de ce critère de l’opération d’aménagement pour la qualification de l’ensemble commercial concernait surtout des magasins intégrés à des Zones d’Aménagement Concerté (ZAC) désignées explicitement comme tel par les pouvoirs publics.

 

II-                Apport de l’arrêt

 

 

L’arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Toulouse du 1er février 2024 fait une application du critère alternatif de l’opération d’aménagement, s’agissant d’une zone n’ayant pas été spécifiquement identifiée comme une ZAC.


Il s’agissait simplement d’une zone dite « d’activités » des Aspres créée à l’initiative de la Commune de SIGEAN, par un simple permis d’aménager et qui intègre l’entrée de ville Est de Sigean.


La Cour a considéré que la seule circonstance que les différents projets de création de magasin de commerce de détail soumis à la Commission Nationale d’Aménagement Commercial (CNAC) était intégré à cette zone suffisait à les regarder comme formant un même ensemble commercial sans même que ces magasins ne soient voisins et alors même qu’ils étaient séparés par des voies publiques.

La Cour a jugé que :

 

« il ressort des pièces du dossier que la zone artisanale et commerciale des Aspres a été créée par un permis d'aménager octroyé le 5 août 2009 et deux permis d'aménager modificatifs des 7 décembre 2011 et 4 octobre 2012, tous devenus définitifs. Ainsi, et alors même que le magasin " Weldom " appartient à une autre personne, cette zone a été conçue dans le cadre d'une même opération d'aménagement foncier. Dans ces conditions, le magasin " Weldom " et leurs projets doivent être regardés comme constituant un ensemble commercial au sens des dispositions de l'article L. 752-3 du code de commerce. Par suite, et alors que les dossiers de demande d'autorisation d'exploitation commerciale en litige ne procèdent qu'à une analyse très partielle des effets de cet ensemble commercial englobant le magasin " Weldom " au regard des critères prévus à l'article L. 752-6 du code du commerce, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la Commission nationale d'aménagement commercial a été mise à même d'apprécier les effets de leurs projets au niveau de la totalité de l'ensemble commercial. »


Cet arrêt aura nécessairement pour effet d’imposer de regarder des magasins situés dans une même zone commerciale réalisée sous initiative publique comme faisant partie d’un même ensemble commercial et soumis à ce titre au droit de l’aménagement commercial même si cette zone n’est pas une ZAC.


Il pourrait donc largement élargir le champ d’application de l’ensemble commercial et ses conséquences pour les porteurs de projet.



 

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