La notion de surface de vente a été historiquement définie par le II-A du chapitre 1 de la circulaire du 16 janvier 1997 (tel qu'il émane de la loi du 30 décembre 1996)
« La surface de vente d'un magasin de commerce de détail s'entend de la superficie des espaces couverts et non couverts affectés à la circulation de la clientèle pour effectuer ses achats », à celle du personnel pour présenter les produits à la vente, à l'exposition des marchandises, à leur paiement. Les caisses, les cabines d'essayage, les allées intérieures des magasins comptent. La zone située entre les caisses et la sortie aussi, « si elle n'est pas matériellement distincte de la partie du magasin ouverte au public ».
Cette définition issue de la doctrine administrative avait été recueillie par la jurisprudence concernant tant le droit de l'équipement puis de l'aménagement commercial que par le droit fiscal concernant le calcul de la TASCOM (taxe sur les surfaces commerciales). (voir en ce sens CE 25 avril 1980,n° 10572 : Rec. CE 1980, p. 195 ou encore CE 18 mai 1979, n° 07418, SCI les Mouettes: Rec. P ; 219, AJDA 1979, p. 53)
En revanche, la circulaire excluait clairement du calcul - à condition qu'aucune marchandise destinée à la vente n'y soit exposée - le sas d'entrée du magasin et les mails des centres commerciaux desservant plusieurs commerces.
Cette définition doctrinale a été largement reprise par la jurisprudence.
S’agissant spécifiquement de la question du mail la jurisprudence tant civile qu’administrative, considère qu’un mail doit être exclu du calcul de la surface de vente lorsque :
-D’une part il permettait de desservir plusieurs magasins. -D’autre part il ne permettait pas, lui-même, l’exposition de marchandise. (voir sur les principes relatifs au calcul de la surface de vente en présence d’un mail - Cass. Crim 29 avril 2003, Association des commerçants du centre commercial de la Thalie, req 02-85353 et pour le Conseil d'Etat CE 18 mai 1979, n° 07418, SCI les Mouettes: Rec. P )
Cependant, récemment, cette définition de la surface de vente a connu une évolution notable puisque le Conseil d’Etat est revenu sur la comptabilisation de la caisse centrale dans la surface de vente, s’agissant de la création d’un supermarché dépourvu de galerie marchande.
En cela il a confirmé un arrêt de la Cour administrative d’appel de DOUAI (29 sept. 2016, SCI Tilloy Bugnicourt. n° 15DA01670).
La haute juridiction a ainsi jugé que
« la surface de vente est celle des lieux accessibles au public et directement liés à la vente ; que par suite, en se fondant, pour juger que les surfaces du hall d’entrée du magasin et de sa caisse centrale avaient pu légalement ne pas être intégrées dans la surface de vente du projet, sur la circonstance que ces surfaces ne seraient pas utilisées pour présenter des produits à la vente, la Cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit ». (Conseil d’Etat, 6 juin 2018, n°405608)
Cette jurisprudence venait imiter la surface de vente aux seuls espaces utilisés pour présenter des produits à la vente, excluant de ce fait la surface des caisses et des halls d’entrée.
Cependant, statuant sur une problématique purement fiscale concernant le calcul de la TASCOM le Conseil d'Etat a jugé dans un arrêt du 22 décembre 2022 dit Poulbric que :
« Le tribunal administratif a relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que la vocation du sas d'entrée litigieux, affecté à la circulation de la clientèle, était, en dépit du fait qu'il n'accueillait aucune marchandise, de permettre aux clients de l'établissement de bénéficier de ses prestations commerciales. C'est sans erreur de droit et sans inexacte qualification juridique des faits qui lui étaient soumis que le tribunal en a déduit que, au sens et pour l'application des dispositions citées au point 2, cet espace devait être regardé comme affecté à la circulation de la clientèle pour effectuer ses achats et devait ainsi être intégré à la surface de vente retenue pour le calcul de la taxe sur les surfaces commerciales due par la société Poulbric ». (Conseil d'État, 8e et 3e chambres réunies, 16 Novembre 2022 – n° 462720)
Compte tenu de la formulation utilisée par le Conseil d'Etat et de la circonstance qu'il a été rendu par deux sous-sections réunions, il apparaît clairement que cet arrêt comporte une portée bien plus large que celui de l'application de la TASCOM.
Selon l'arrêt dès que les deux conditions suivantes sont réunies l'espace considéré devrait être décompté dans la surface de vente :
- L'espace est affecté à la circulation de la clientèle
- L'espace permet à la clientèle de bénéficier des prestations commerciales
Une telle jurisprudence est clairement de nature à remettre en cause la jurisprudence de 2018 précitée concernant le calcul de la surface de vente de l'arrière caisse centrale .
D'autres espaces pourraient également être concernés par ce revirement qui ne concerne toutefois pas les mails desservant plusieurs commerces.
De plus ce revirement ayant une portée rétroactive, il conviendra d'être très prudent lors de la mise en œuvre des autorisations d'aménagement commercial délivrées antérieurement à cet arrêt mais également lors de la réalisation des dossiers concernant les extensions de magasins existants.
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